Galeries Corps Objet
J’aime montrer le monde sous un autre angle, d’un point de vue différent et parfois surprenant.
Mon sujet d’expression favorite reste le corps de la femme « Le corps objet et l’objet corps ». À travers mes photos je ne montre pas ma vision de la femme, mais la vision de la femme telle que je la perçois dans le regard des hommes ou de la société.
Série « ghost »
Travail collaboratif sur l’état sauvage des âmes damnées restées sur le bord du Styx faute d’avoir pu donner l’obole au passeur.
Texte à quatre mains par Corine Perséphone et Papillon (modèle)
Bienvenue aux Enfers
Sur les rives du Styx, dans la brume épaisse du rivage, je découvris une âme perdue.
« Je n’ai jamais rien connu d’autre que le Styx… ou alors je ne m’en souviens pas, et jamais personne ne s’était aventuré jusqu’à moi aussi tranquillement que celle qui se tenait là en cet instant…
Je connais les Hommes et je ne les aime pas… seules peuvent rester sur les rives du fleuve les âmes perdues, coléreuses et salies par des péchés dont je me nourris. Je fouille dans les entrailles de leur esprit et je donne vie, pour leur plus grand malheur, à tout ce qu’ils ne veulent pas voir, à tout ce sur quoi ils ferment les yeux… mal-être, haine, colère… Quel délice…
J’avançais doucement… »
Sortant du brouillard qui la masquait, l’être, mû par la curiosité, s’approcha, tantôt craintive, tantôt intimidante. Je lui tendis une de mes plumes pour l’apprivoiser, petite plume rouge que je détachais de mes ailes fraichement poussées.
« Que cherche-t-elle dans le cercle des enfers, aux abords de mon domaine, à la limite de ma haine, de mes chaînes ?… Qu’a-t’elle là ?… Essaierait-elle de m’apprivoiser ?… Elle se trompe : c’est elle, mon jouet…
Il me faut un bout d’elle… pour la célébration… ! »
Elle s’en empara d’un geste vif et la déposa dans ses cheveux avant de reculer doucement dans sa tanière pour y disparaître.
J’attendis, immobile, mes ailes sagement repliées dans le dos. Quelques minutes plus tard, elle réapparut menaçante, le regard fou et armée d’un pic.
Je fus témoin alors d’une chose étrange. J’hésite encore aujourd’hui, au souvenir de cette scène. Une sorte de danse, de rituel aux pas et gestes compliqués dont la signification devait être connue d’elle seule. Elle avançait, reculait, arme brandie vers moi, pointée sur elle, criant, chantant… elle semblait habitée par une puissance supérieure.
« Je fis appel à l’esprit des morts et à celui des condamnés ; je les implorais de venir à moi maintenant et, contrariés, ils devinrent menaçants, imposants… ils m’envahirent avec force, prenant possession de ma chair, déchirant mon être dans une explosion d’âmes tourmentées. C’est alors que je la vis vraiment.
Présence lointaine et calme dans la désolation, elle m’appelait ; je me drapais de ses noirceurs… et je sus que la hanter ne ferait pas naître sa folie mais la mienne.
Nées dans les mêmes douleurs, nous avions eu les mêmes peurs et subi les mêmes tempêtes. C’était étrange de me perdre en elle, pour elle… Elle voyait en moi mieux que je ne pouvais le faire, reflet de ma tempête… Horreur ! »
Captivée par ce rituel, je réalisais que des stigmates sanglants étaient apparus sur son corps… son corps si blanc au sortir de la brume était à présent couvert de sang !
Plus la danse progressait, plus le sang abondait et plus elle semblait possédée, se tailladant le bras, la jambe ! Comme dépitée, elle jeta son pic pour saisir un scramasaxe, tout en psalmodiant des sons étranges.…
« Une révolte sourde grondait en moi. Je hurlais pour lui signifier ma surprise et ma peur en lui jetant ma colère au visage à grands cris, que je puisais dans mes propres profondeurs.
Impuissante à l’enliser dans sa détresse, je me laissais emporter par la brume et mes propres cauchemars… »
Un autre rituel commença, plus posé. La brume semblait faire partie de ce cérémonial, la masquant à mes yeux, le temps de lui infliger de nouvelles blessures. J’imaginais des lames tout autour d’elle, infligeant des sévices à ce pauvre hère.…
Elle s’effondra, inerte et ensanglantée.
Dans un ultime soubresaut, elle se redressa, tenta de se trancher la tête puis jetât ses armes pour se baigner dans son sang.
Son expression changea, une foule d’émotions défila sur son visage : terreur, peur, haine, culpabilité, horreur, souffrance…
Quel drame venait-elle de revivre ? Combien de fois serait-elle obligée de vivre ces événements ?…
« Elle m’avait marquée et hanterait jusqu’à mon ombre… ! Non, elle n’en n’avait pas le droit !… Je suis la désolation de l’existence ! Tout ce qui meurt vit en moi… La souffrance m’appartient… !
Va, pars, tu n’as rien à faire là-bas… je t’en prie, viens avec moi… »
Épuisée, implorante, elle se tourna vers moi pour un dernier appel au secours et s’effondra à mes pieds. Impuissante à lever sa malédiction je m’éloignais doucement. J’étais déjà loin quand elle bougea.
Je la vis lécher ses plaies, repartir sur la pointe des pieds pour disparaitre, comme avalée par les brumes du fleuve infernal…
Qui était-elle ? Qu’avait-elle fait ? Je n’avais été témoin que de son supplice, ici, sur les rives du Styx, juste devant la bouche du Tartare…
« Elle partie comme elle était venue, silencieuse, me laissant à mes inquiétudes et mes châtiments…
Survolant les eaux boueuses des marécages, enveloppée de mystère, ses ailes laissaient derrière elle une traînée couleur sang…
Morte-vivante au cœur de l’hadès… »